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1963

Tuesday, February 20th, 2007

Sur Racine
Pourquoi parler de Racine aujourd’hui ? (I 986) Oté le peuple domestique, défini paradoxalement par sa liberté même, que reste-t-il dans le lieu tragique ? une caste glorieuse à proportion de son immobilité. D’où vient-elle ? (I 994) Nous ne savons pas bien ce qui est représenté ici. Est-ce, selon l’hypothèse de Darwin, un très vieux fonds folklorique, un état à peu près a-social de l’humanité ? Est-ce, selon l’hypothèse de Freud, la toute première histoire de la psyché, reproduite dans l’enfance de chacun de nous ? (I 995) N’y a-t-il donc aucun moment où l’Eros racinien est heureux ? (I 1001) Qui est cet autre dont le héros ne peut pas se séparer ? (I 1015) La fuite de l’objet aimé (ou son substitut oral, le silence), par exemple, est terrible, parce qu’elle est une ambiguïté au second degré ; on n’est jamais sûr qu’elle soit fuite : comment le négatif peut-il produire un signe, le néant se signifier ? (I 1026) Voici que dans Andromaque Racine pose une troisième fois la même question : comment passer d’un ordre ancien à un ordre nouveau ? Comment la mort peut-elle accoucher de la vie ? quels sont les droits de l’une sur l’autre ? (I 1037) Comment ne pas voir que dans ce bloc solide, tout occupé d’un grand intérêt matériel, Eriphile (c’est-à-dire le héros tragique) est vraiment l’intruse, que tous sacrifieront (et le public louis-quatorzien avec eux) au succès du clan ? (I 1062) Qu’est-ce donc qui fait la Parole si terrible ? (I 1066) Qui allait au spectacle (racinien) ? La cour, la ville, qu’était-ce exactement ? Et plus encore que la configuration sociale de ce public, c’est la fonction même du théâtre à ses yeux qui nous intéresserait : distraction ? rêve ? identification ? distance ? snobisme ? Quel était le dosage de tous ces éléments ? (I 1092) Ne peut-on aller plus avant, soit dans le détail (par exemple, le «vécu» d’une classe), soit dans la profondeur du système, ses contacts avec l’éducation courante (car le public de Racine n’était pas tout janséniste) ? Bref ne peut-on tenter une histoire, même partielle, de l’enseignement français ? (I 1093) Qu’est-ce que la littérature ? On ne demande rien d’autre qu’une réponse historique : qu’était la littérature (le mot est d’ailleurs anachronique) pour Racine et ses contemporains, quelle fonction exacte lui confiait-on, quelle place dans l’ordre des valeurs, etc. ? Bien plus, que peut être, littéralement, une histoire de la littérature, sinon l’histoire de l’idée même de littérature ? (I 1095) Racine a cessé d’écrire des tragédies après Phèdre. C’est un fait ; mais renvoie-t-il à d’autres faits d’histoire ? Peut-on l’étendre ? C’est une autre logique, ce sont d’autres exigences, une autre responsabilité ; il s’agit d’interpréter le rapport de l’œuvre et d’un individu : comment le faire sans se référer à une psychologie ? Et comment cette psychologie pourrait-elle être autre chose que choisie par le critique ? (I 1096) Qu’est-ce au juste qui signifie ? un mot ? un vers ? un personnage ? une situation ? une tragédie ? le corps entier de l’œuvre ? Qui peut décréter le signifiant, hors d’une voie proprement inductive, c’est-à-dire sans poser d’abord le signifié, avant le signifiant ? Et ceci, qui est plus systématique encore : que faire des parties de l’œuvre dont on ne dit pas qu’elle signifient ? Dès lors que l’on entreprend une critique des significations, comment s’arrêter en chemin ? Faut-il renvoyer tout l’insignifiant à une alchimie mystérieuse de la création, dépensant sur un vers des trésors de rigueur scientifique, puis, pour le reste, s’abandonnant paresseusement à une conception proprement magique de l’œuvre d’art ? Et quelles preuves donner d’une signification ? Le nombre et la convergence des indices factuels (Orcibal) ? La «réussite» d’une expression (Jasinski) ? La cohérence du système signifiant (Goldmann) ? Si l’œuvre signifie le monde, à quel niveau du monde arrêter la signification ? (I 1097) A l’actualité (Restauration anglaise pour Athalie) ? A la crise politique (crise turque de 1671 pour Mithridate) ? Au «courant d’opinion» ? A la «vision du monde» (Goldmann) ? Et si l’œuvre signifie l’auteur, la même incertitude recommence : à quel niveau de la personne fixer le signifié ? à la circonstance biographique ? au niveau passionnel ? à une psychologie d’âge ? à une psyché de type archa_que (Mauron) ? Dans Esther, les Israélites opprimés sont-ils les protestants, les jansénistes, les filles de l’enfance, ou l’humanité privée de rédemption ? La Terre qui boit le sang d’Erechtée, est-ce là couleur mythologique, trait précieux ou fragment d’un fantasme proprement racinien ? L’absence de Mithridate est-elle exil de tel roi temporel ou silence menaçant du Père ? (I 1098) Et toutes significations étant reconnues présomptives, comment ne pas préférer celles qui se placent résolument au plu profond de la personne (Mauron) ou du monde (Goldmann), là où on a quelque chance d’atteindre une unité véritable ? Et puisqu’ils sont (Mauron et Goldmann) historiens de la création littéraire, comment se représentent-ils cette création ? Qu’est exactement une œuvre à leurs yeux ? (I 1099) Mais ne voit-on pas que, si le contenu épisodique de la preuve est objectif, le postulat qui en justifie la recherche est, lui, parfaitement systématique ? (I 1101) Osera-t-on dire à Jean Pommier que ce qui plaît dans son érudition, c’est qu’elle marque des préférences, flaire certains thèmes et non point d’autres, bref qu’elle est le masque vivant de quelques obsessions ? Ne sera-t-il plus sacrilège, un jour, de psychanalyser l’Université ? Et pour en revenir à Racine, pense-t-on qu’on puisse démonter le mythe racinien, sans qu’y comparaissent tous les critiques qui ont parlé de Racine ? Quant à l’envers des choses, quant à ce lien très subtil qui unit l’œuvre à son créateur, comment y toucher, sinon en termes engagés ? (I 1102)
Textes
Sémantiquement, c’est-à-dire du point de vue de la communication, comment est constitué un texte publicitaire (la question est aussi valable pour l’image, mais elle est beaucoup plus difficile à résoudre) ? (I 1143) Que se passe-t-il donc lorsque l’on reçoit un double message, dénoté-connoté (c’est la situation même des millions d’individus qui «consomment» la publicité) ? Qu’est-ce qu’être «bon» ou «mauvais», pour un message publicitaire ? (I 1145) Qu’est-ce que la forme pour Goldmann ? (I 1147) Le niveau auquel se place Goldmann est essentiellement idéologique : que devient, dans cette macro-critique, la surface verbale de l’œuvre, ce corps parfaitement cohérent de phénomènes formels (au sens le plus extérieur du terme), écritures, rhétoriques, modes de narration, qui font, eux aussi, le roman ? (I 1148) Imaginez-vous une littérature-vérité, analogue au cinéma-vérité ? (I 1155) Comment découper (sémantiquement), comment faire varier le sens d’un film, d’un fragment de film ? (I 1155) Comment le cinéma manifeste-t-il ou rejoint-il les catégories, les fonctions, la structure de l’intelligible élaborées par notre histoire, notre société ? (I 1159) Ce que je me demande maintenant, c’est s’il n’y a pas des arts, par nature, par technique, plus ou moins, réactionnaires. (I 1160)